Dr Odile Bagot, gynécologue. Règles douloureuses et endométriose.

Dr Odile Bagot

Règles douloureuses et endométriose

Les règles douloureuses ne sont pas une fatalité !

Interview d’Odile Bagot, spécialiste en gynécologie et obstétrique, auteure du Dico des nanas chez Hachette.

 

D’où proviennent les règles ?

Les règles, ce n’est pas l’utérus qui se remplit de sang pendant un mois et qui va se vider ce n’est pas non plus un ovule non fécondé qui s’évacue

Pas du tout. C’est en fait le tissu qui est à l’intérieur de l’utérus – qu’on appelle l’endomètre – qui, au cours du cycle, va se modifier. En deuxième partie de cycle, après l’ovulation, il s’épaissit, des petits vaisseaux se forment à l’intérieur et tout d’un coup vers le 28ème jour, avec la chute hormonale, cet endomètre tombe, on dit qu’il desquame, il saigne avec parfois des petits lambeaux d’endomètre. Quand la sécrétion d’œstrogène reprend au début du cycle, l’endomètre repousse et recouvre ces vaisseaux et les règles s’arrêtent jusqu’à la prochaine fois.

Est-ce que beaucoup de femmes souffrent de règles douloureuses ?

Les règles douloureuses, malheureusement, affectent beaucoup de femmes, alors que cela ne devrait pas être le cas parce qu’il faut toujours trouver une solution pour qu’une femme ne souffre pas. Malheureusement dans certains cas, en particulier dans l’endométriose, qui est une maladie assez fréquente qui touche une femme sur dix, malgré tous les traitements, ces règles ont du mal à s’arranger et à être moins douloureuses. A ce moment-là, il faudra penser à aller consulter pour une prise en charge globale de la maladie.

Pourquoi a-t-on des règles douloureuses ?

Les règles douloureuses procèdent, on va dire, de 3 mécanismes.

D’abord l’utérus ; souvenez-vous que c’est un muscle et qu’un muscle, ça contracte ; et quand cela contracte très fort, cela peut faire mal, comme une crampe du mollet par exemple.

Ensuite, les règles sont liées aussi à un phénomène inflammatoire avec la sécrétion de molécules de la famille des prostaglandines et dans ce cas-là, des médicaments comme les anti-inflammatoires pourraient être efficaces.

Enfin, le ressenti de la douleur est très personnel d’une femme à l’autre et donc, ce mécanisme douloureux et son ressenti au niveau du cerveau jouent également dans la perception des douleurs de règles. Celle-ci peut être modulée par des antalgiques.

Qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie assez fréquente puisqu’elle touche jusqu’à une femme sur 10. Si vous imaginez l’utérus, vous voyez bien le muscle utérin ; à l’intérieur, l’utérus est tapissé par ce que l’on appelle l’endomètre. Dans l’endométriose on retrouve un tissu de type endométrial ailleurs que dans la cavité utérine, par migration parfois mais aussi d’autres mécanismes pas encore complètement élucidés. Dans le muscle utérin ; ça s’appelle l’adénomyose, au niveau de l’ovaire, celadonnera un kyste que l’on appelle endométriome. La localisation la plus fréquente des nodules d’endométriose est le pelvis : autour de l’utérus, les trompes, la vessie, le rectum etc… et beaucoup plus rarement à distance la peau ou le fois par exemple.

Malheureusement, les nodules d’endométriose vont suivre le cycle hormonal. Dans la cavité utérine, moment des règles, le sang va pouvoir s’évacuer mais s’il est dans le muscle utérin, cela va faire très mal ; s’il est au niveau de l’ovaire, cela peut faire un kyste. On sait aujourd’hui que les symptômes de l’endométriose sont aussi dûs à des phénomènes inflammatoires importants dans le pelvis donnant des sortes de « cicatrices », des adhérences qui sont alors responsables de douleurs chronique ou lors des rapports sexuels. il faut alors absolument aller consulter.

Comment soulager l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie fréquente qui touche 10 à 15 % des femmes en activité génitale. On n’en connait pas la cause avec certitude ; on sait qu’il y a une part génétique et on commence à incriminer des facteurs environnementaux comme les perturbateurs endocriniens, mais aussi des causes immunitaires. Les règles douloureuses sont souvent un premier signe d’appel, mais il ne faut négliger aucune autre plainte.

En effet, l’endométriose, ce sont des petits îlots de tissu de type endométrial qui se développent le plus souvent dans le pelvis (trompe, ovaire, vessie, rectum, péritoine et tous les tissus qui entourent ces organes), et moins fréquemment au-delà (foie, poumon, peau…). Or l’endomètre, où qu’il soit, évolue tout du long du cycle, il s’épaissit, puis saigne au moment des règles ce qui explique les règles douloureuses quand les îlots sont dans le muscle utérin ou les kystes lorsqu’ils sont sur l’ovaire. S’ajoute à ce phénomène une réaction inflammatoire autour des nodules qui va créer par elle-même des lésions définitives comme les adhérences pelviennes pouvant aller jusqu’à ce qu’on appelle un pelvis « gelé » où les organes ne peuvent plus glisser librement les uns contre les autres. La maladie devient alors chronique, se surajoutant alors des douleurs permanentes et/ou lors des rapports sexuels, des risques d’infertilité et un retentissement psychologique bien compréhensible.

Une part du mécanisme de la dysménorrhée (douleurs de règles) s’explique par l’adénomyose où l’endomètre, au lieu de rester en surface de la cavité utérine, s’infiltre dans la paroi musculaire de l’utérus. Des douleurs de règles qui ne s’améliorent pas avec un traitement simple doivent impérativement faire évoquer le diagnostic d’endométriose afin que cette maladie ne reste pas méconnue (comme c’est souvent le cas) et surtout pour qu’on puisse la prendre en charge. En l’absence de désir de grossesse, le traitement de première intention est la pilule ou un progestatif en continu afin de mettre l’endomètre au repos. En deuxième intention on peut, avec les analogues de la LHRH, mettre la femme « comme en ménopause » pour quelques mois pour assécher les lésions. La chirurgie par coelioscopie a aussi sa place à la fois pour faire le diagnostic de certitude, évaluer les lésions et traiter celles qui sont accessibles mais elle doit être confié à des chirurgiens ou es gynécologues spécialisés dans l’endométriose.

Dois-je consulter un médecin si j’ai des règles douloureuses ?

Si vous avez des règles douloureuses et qu’elles ne passent pas avec des moyens simples pour que vous ayez une qualité de vie tout à fait correcte pendant vos règles, il faut aller consulter un médecin parce qu’il peut arriver que derrière ces règles douloureuses qui résistent à un traitement, il y ait une maladie qui s’appelle l’endométriose et qui touche une femme sur dix. Il ne faut pas passer à côté du diagnostic.

Quelles sont les méthodes pour me soulager ?

Pour soulager vos règles, il y a plusieurs moyens. Il y avait les vieilles habitudes de nos grands-mères comme se mettre une bouillotte d’eau chaude sur le ventre. Mais pourquoi pas… Sinon on commence souvent par les antalgiques simples, en particulier le paracétamol.
Si on n’a pas de contre-indications et si on veut tester un médicament plus fort mais qui peut avoir des effets secondaires, on peut utiliser un anti-inflammatoire qui est recommandé en deuxième intention. Maintenant, il y a aussi des méthodes non médicamenteuses, en particulier la neurostimulation électrique transcutanée, qui est la base du traitement des règles douloureuses avec Livia, par exemple.

Pourquoi la neurostimulation diminue-t-elle la douleur ?

La neurostimulation, ce n’est pas quelque chose de très nouveau, cela existe déjà depuis les années 60 et on s’en servait pour traiter des douleurs absolument rebelles et très très importantes. On évoque deux mécanismes pour comprendre le fonctionnement de la neurostimulation.

D’abord le principe du portillon. Qu’est-ce que c’est que ce portillon ? En fait, quand on a une douleur, les nerfs vont conduire la sensation de la douleur jusqu’au cerveau. Et si on vient tromper ces nerfs en leur envoyant une petite stimulation électrique, c’est cette petite stimulation électrique pas douloureuse qui va passer le portillon, puis le portillon va se fermer pour la stimulation douloureuse comme celle des douleurs de règles d’oreilles par exemple.

Ensuite, on sait que stimuler les nerfs peut faire sécréter des substances antalgiques, c’est-à-dire qui diminuent la douleur comme les endorphines par exemple.

Actuellement, on pense que la neurostimulation est un peu le mélange de ces deux fonctionnements, mais probablement davantage celui du portillon.

 

 

*Le Dr. Odile Bagot est spécialiste en gynéco-obstétrique, ancien chef de clinique des hôpitaux et diplômée de gynécologie psychosomatique, experte pour Doctissimo. Elle est l’auteure Chez Mango de Vagin & Cie on vous dit tout !, Ménopause, pas de panique ! et Perturbateurs endocriniens , la guerre est déclarée ! Elle vient de publier chez Marabout Mon guide de survie gynéco. On peut la retrouver sur son blog http://mamgyneco.wordpress.com